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leurs poesies

1853 - LES MOMENTS LUMINEUX

Publié le par Arthémisia

 

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom

Sur les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom

Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom

Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom

Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom

Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes raisons réunies
J'écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom

Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom

Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

LIBERTE

Paul ELUARD

 

Avec :  Illustration du texte par Fernand Léger - 1953

Je publie aujourd'hui ce texte parce que, malgré ces temps troublés, je veux parier sur l'avenir, partager des moments lumineux avec tous et défier les égoïsmes et les peurs.

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1850 - Aux Imbéciles

Publié le par Arthémisia

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1843 - Je suis gong

Publié le par Arthémisia

 

Dans le chant de ma colère il y a un œuf,  
Et dans cet œuf il y a ma mère, mon père et mes enfants,  
Et dans ce tout il y a joie et tristesse mêlées, et vie. 
Grosses tempêtes qui m’avez secouru, 
Beau soleil qui m’as contrecarré, 
Il y a haine en moi, forte et de date ancienne, 
Et pour la beauté on verra plus tard. 
Je ne suis, en effet, devenu dur que par lamelles ; 
S’il l’on savait comme je suis restée moelleux au fond. 
Je suis gong, et ouate et chant neigeux,  
Je le dis et j’en suis sûr 


extrait de :
Henri Michaux, Mes Propriétés, Œuvres complètes, I, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, p. 505 

Avec : Claude Monet - La Pie, 1869,

Huile sur toile - Musée d'Orsay, Paris.

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1840 - POUSSIERE DE CRAIE

Publié le par Arthémisia

1840 - POUSSIERE DE CRAIE

chaque matin j’écoute l’aube

chaque soir, le bruit du crépuscule

chaque jour qui passe

je le marque d’un trait

sur un mur de la ville

car ce n’est pas le temps

qui me manque

ni l’âge

 

chaque matin quand je pars

je laisse ma porte ouverte

pour celui qui viendrait

et je mets de la poussière de craie

sur le sol de la maison

pour voir les traces de ses pas

 

Gianmaria TESTA (1958-2016)

(texte extrait de son album posthume  « Prezioso » - janv. 2019)

 

Avec : Man Ray & Marcel Duchamp, Élevage de poussière, 1920, 20x30.5 cm

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1835 - Tedd a kezed…(Là sur mon front…)

Publié le par Arthémisia

 

Là sur mon front
pose ta main
comme si ta main
était ma main.

Serre-moi fort
comme à la mort
comme si ma vie
était ta vie.

Et aime-moi
comme à bonheur
comme si mon cœur
était ton cœur.

Attila Jozsef - Mai/juin 1928 - traduit du hongrois par Francis Combes

Avec : Attila József - Janos Huszti

39.4 x 31.5 x 1.6 in

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1827 - FEMME-OUTREMER

Publié le par Arthémisia

 

A Annie Dupays

Ta vie ses plaies et ton sourire flottés sur un revers de main

Des murs d’esclave se sont dressés autour de ton visage

Taché par le sang des images frappé par la mort sans mourir

Papillon sur échafaud c’est avant mai que tu as vécu

 

Puis vague septième

Le malheur couché au pied du lit la boîte de Pandore vidée

Le vin tiré et l’amertume bue puisqu’il fallait la boire

Papillon sur escabeau c’est en mai que tu es venue

 

Femme-outremer

J’aime le temps en ta rivière

Et mes veines attendent de te sentir battre encore

Christophe FORGEOT

Paru dans Phoenix n°11, en octobre 2013

Avec : Paul GAUGUIN - Femme à la mer

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1825 - Signe de reconnaissance (Statue de femme aux mains liées)

Publié le par Arthémisia

Tout le monde t’appelle aussitôt statue

et moi aussitôt je te donne le nom de femme.

 

Tu décores un jardin public.

De loin tu nous trompes.

On te croirait légèrement redressée

pour te souvenir d’un beau rêve,

et prenant ton élan pour le vivre.

De près le rêve se précise :

tes mains sont liées dans le dos

par une corde de marbre

et ta posture, c’est ta volonté

de trouver quelque chose qui t’aide

à fuit l’angoisse du prisonnier.

On t’a commandée ainsi au sculpteur :

prisonnière.

Tu ne peux

Peser dans ta main ni la pluie

ni la moindre marguerite.

Tes mains sont liées.

Ce n’est pas le marbre qui te garde

comme Argus. Si quelque chose allait à changer

dans le parcours des marbres,

si les statues entraient en lutte

pour conquérir la liberté, l’égalité,

comme les esclaves

les morts

et nos sentiments,

toi tu marcherais

dans cette cosmogonie des marbres

les mains toujours liées, prisonnière.

 

Tout le monde t’appelle aussitôt statue

Et moi de suite je t’appelle femme.

Non pas le fait que le sculpteur

a confié une femme au marbre

et que tes hanches promettent

une fertilité de statue,

une belle récolte d’immobilité.

A cause de tes mains liées, que tu as

depuis que je te connais, tous ces siècles,

je t’appelle femme.

 

Je t’appelle femme

car tu es prisonnière.

 

Kiki DIMOULA

in Le Peu du monde, suivi de Je te salue Jamais

Avec : La Cariadite, MODIGLIANI. 1913-1914 - Grand Palais

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1788- La nuit n'est jamais complète

Publié le par Arthémisia

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1773 - Cri de tortue

Publié le par Arthémisia

1773 - Cri de tortue

Je pensais qu'il était muet,

J'ai dit qu'il était muet,

Pourtant je l'ai entendu crier.

Première faible stridence

Sortie de l'aurore insondable de la vie,

Lointaine, si lointaine, une hantise, sous le bord auroral de l'horizon.

Lointaine, si lointaine, lointaine stridence.

Tortue in extremis.

Pourquoi fûmes-nous cloués sur la croix des sexes ?

Pourquoi pas laissés accomplis et finis en nous-mêmes,

Comme nous avions commencé,

Comme à coup sûr il commença, parfaitement seul.

Stridence lointaine, était-elle audible

Ou résonnait-elle, directement, sur le plasma ?

Pire que le cri du nouveau-né,

Stridence,

Hurlement,

Clameur,

Péan,

Mortelle angoisse,

Vagissement des naissances,

Soumission,

Tout menu, menu, lointain reptile de la première aurore.

Cri de guerre, triomphe, délice aigu, cri de mort reptilien,

Pourquoi le voile fut-il déchiré ?

Le hurlement de soie de la membrane déchirée de l'âme ?

La membrane de l'âme mâle

Déchirée avec un hurlement mi-musique, mi-horreur.

Crucifixion

Mâle cramponné derrière le mur de gîte de la femme obtuse,

Monté, tendu, écartelé, se poussant hors de l'écaille,

Nudité de tortue,

Long cou, longs membres vulnérables, extirpés, écartés sur ce toit de maison,

La queue profonde, secrète, toute-pénétrante repliée sous ses murs,

Tendu, accroché ferme, en comble d'angoisse, en ultime tension,

Et soudain, dans le spasme du coït, saillant à brusque bond, et, ah !

Ouvrant son visage serré au bout du cou tendu,

Il émet cette frêle clameur, ce cri,

Cet ultra-son

De cette bouche rose, fendue, de vieillard,

Qui rendrait l'esprit

Ou le recevrait avec un cri strident, à Pentecôte.

Son cri, son moment d'abandon,

Le moment de silence éternel

Avant la détente, et après le moment, surprenant, le brusque soubresaut du coït et aussitôt

Le faible hurlement, inexprimable -

Tant que l'ultime plasma de mon corps se retrouva fondu

Dans les premiers rudiments de la vie, et son secret.

Il saillit donc et crie

Coup sur coup ce cri frêle, déchiré, strident.

Après chaque charge, un suspens assez long,

Eternité tortue,

Un âge durant de reptilienne persistance,

Un battement de cœur, un lent battement durant jusqu'au spasme suivant.

Je me rappelle, quand j'étais enfant,

Avoir entendu le cri d'une grenouille, le pied pris dans la bouche d'un serpent dressé ;

Je me rappelle la première fois que j'ai entendu des crapauds-buffles donner de la voix au

printemps ;

Je me rappelle entendre , du gosier de la nuit, une oie sauvage

Crier haut par-delà les eaux du lac ;

Je me rappelle, venus d'un buisson dans le noir, les cris perçants et les roulades du premier

rossignol me surprenant le fond de l'âme ;

Je me rappelle le cri d'un lapin quand je traversais un bois à la minuit ;

Je me rappelle la génisse en chaleur, mugissant au long des heures, incoercible ;

Je me rappelle ma première terreur, entendant les clameurs insolites des chats amoureux :

Je me rappelle le cri terrifié d'un cheval blessé, les éclairs de chaleur,

Et m'être enfui du bruit d'une femme en travail, comme un ululement de chouette,

Avoir écouté en secret le premier bêlement d'un agneau,

Le premier vagissement d'enfant

Et ma mère qui se chantait à elle-même,

Et le premier air de ténor, du gosier ardent d'un jeune mineur qui depuis longtemps s'est

tué à boire,

Les premiers sons d'une langue étrangère

Sur d'intenses lèvres brunes.

Mais plus que cela,

Moindre que tout cela,

Ce dernier,

Cet étrange, faible cri du coït

De la tortue mâle à son comble

Infime, surgi de dessous le bord du plus extrême horizon de la vie.

La croix,

La roue sur laquelle notre silence est d'abord brisé,

Le sexe, qui brise notre intégrité, notre inviolabilité séparée, notre profond silence, Et nous arrache un cri.

Le sexe qui nous brise et nous donne une voix, nous fait appeler par-dessus les abîmes,

appeler, appeler notre complément,

Chanter, appeler, et chanter encore, ayant reçu une réponse, ayant trouvé.

Déchirés pour être rassemblés après avoir longtemps cherché ce qui était perdu.

Le même cri vent de la tortue que du Christ, le cri d'Osiris abandonné,

L'entier déchiré,

Le morcelé, se retrouve intégral dans tout l'univers.

Tortoise Shout - D. H. LAWRENCE

(merci pour la découverte, René clic)

Avec : Pédro et Carapatte dans leurs oeuvres - photo © Arthémisia

 

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1766 - Alors un arbre s’éleva

Publié le par Arthémisia

Alors un arbre s’éleva. O pure élévation !

O chant d’Orphée ! O grand arbre dressé dans l’oreille !

Et tout se tut. Pourtant, au sein de l’unanime silence

S’accomplit un nouveau recommencement, signe de métamorphose.

Rainer Maria RILKE - Sonnets à Orphée

Avec : Hiroshige, Pruniers en fleurs, 1857, encre et poudre de mica sur papier, Rijksmuseum Amsterdam

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