1835 - Tedd a kezed…(Là sur mon front…)
Là sur mon front
pose ta main
comme si ta main
était ma main.
Serre-moi fort
comme à la mort
comme si ma vie
était ta vie.
Et aime-moi
comme à bonheur
comme si mon cœur
était ton cœur.
Attila Jozsef - Mai/juin 1928 - traduit du hongrois par Francis Combes
Avec : Attila József - Janos Huszti
39.4 x 31.5 x 1.6 in
1834 - UN GLORIA HUMIDE
J’ai cru être un baiser.
Oh ! pas un baiser convenu, de cérémonie, de politesse, de pingouins, de pintades. Ceux-ci tuent.
Non, un baiser installé, chanté plein.
Un bijou matelassé, chaud, un Gloria humide.
J’ai dû être un baiser.
Car tu chantais toi aussi.
Là.
Arthémisia © mai 2018
Avec : Euterpe contemporaine (cf : Là)
1833 -TES DEUX MAINS D'EAU
La maison, trop maquillée, s’était écroulée sur ses corps morts. C’est à ce moment-là, dans le printemps naissant, que la crasse s’écarta et que les murs croûteux d’âge laissèrent tomber les rétroviseurs.
Les sourires vinrent se déposer à la limite de l’air, le rosissant.
Aucun mot ne mûrit.
Seul, le mystère de tes deux mains d’eau…
Arthémisia © mai 2018
Avec : Bernard Dufour (1922-2016) – Autoportrait et nu, huile sur toile, hiver 1966/1967
La vie de ce peintre a inspiré La Belle Noiseuse de Jacques Rivette.
1832 - LE RITUEL
Tous les jours, écrire ton nom
Ou plus précisément chaque matin.
Ainsi figurer ta naissance, ton baptême en moi répété,
Hallucinant,
L’enracinement incessant de ta réalité ardente
Au sortir des inondations noires,
Loger au monde ton invitation graphique
Et phonétique,
à une révélation mystérieuse
Du chant des ombres libres,
Du chant des évadés.
Arthémisia© 18-02-20
Avec : Pietro Antonio ROTARI (1707- 1762) - La Jeune fille qui écrit une lettre d’amour - 1755 – Huile sur toile 84.8 x 68.6 – Norton Simon Museum, Pasadena, USA
1831 - La Promesse de l'aube
Dernier jour d'avril et dernières phrases de La Promesse de l'aube de Romain Gary (1960)
Les Phoques se sont tus, sur les rochers, et je reste là, les yeux fermés, en souriant, et je m'imagine que l'un d'eux va s'approcher tout doucement de moi et que je vais soudain sentir contre ma joue ou dans le creux de l'épaule un museau affectueux...
J'ai vécu.
Avec : Paul de Vos (1591/1592 -1678), Deux jeunes phoques sur un rivage,
huile sur toile, Besançon, musée des Beaux Arts
1830 - A Dieu!
Juliette a sévi il y a longtemps et avait demandé à ses fidèles participants de Papier Libre d'écrire une lettre d'adieu. Il est temps que je la publie.
A Dieu !
Je m'en remets à Dieu. Je ne veux plus brûler mes jours derrière les miroirs fallacieux des ronrons rassurants.
Adieu ! Le temps n'est plus celui de la soumission irréfléchie et de la mort de l'être. La roue a fait la femme, cette ouverture au monde, et la curiosité de mon regard m'a conduite à découvrir et à prendre en charge le poids de mon ignorance béate.
Adieu ! Cela est politique. Aujourd'hui je sais combien la coutume, le rite, et l'acquis ridicule des siècles ont pesé sur ma vie, et fait de la tienne un espace confortable et sans question. Mais aujourd'hui, elles sont là les questions, celles que tu ne peux pas entendre, celles que tu ne veux pas entendre.
Adieu ! Je ne suis pas ta mère, pas ta bonne, pas ta pute.
Je veux demeurer moi, ce lieu du sensible, où on ouvre les yeux et les mains très grands pour cueillir, accueillir le présent de l'Autre.
Car je sais que mon regard est dans la nécessité, au carrefour où se rencontrent le chemin de vie et le chemin du rêve, de croiser d'autres regards, et qu'ensemble ils pourront s'arrêter sur l'instant.
Adieu !
Parce que je tiens à moi.
M.
Copyright © Arthémisia - janv 2009
1829 - Tout donner...
Il faut tout donner dans l'Amour, tout. Et parfois, ça marche...
Pierre Bergé
Avec : Yves Saint Laurent & Pierre Bergé
1828 - Torture-Morte ?
A Raphaël
Une mouche se mouche dans le lait sombre du bol.
Ton visage apparaît, à la fenêtre :
La nuit, vient écrire encore ses vers noirs.
Trop vite, tu t’estompes,
Au glacis de la vitre
En graphies viscérales
Que ma main,
Rouge,
Range,
Tout au fond de ma boîte.
La mouche s’est noyée. Pas de bol !
Mais la pomme n’est pas morte :
Demain, ton visage, encore…
Arthémisia © mars 2017
Avec : Marcel Duchamp – Torture-morte -1959, Mouches collées sur plâtre peint, dans boîte en bois et verre, 29,5 x 13,4 x 10,3 cm, Paris, Centre Pompidou. © Jacques Faujour - Centre Pompidou, MNAM-CCI (diffusion RMN) © Succession Marcel Duchamp/ Adagp, Paris
1827 - FEMME-OUTREMER
A Annie Dupays
Ta vie ses plaies et ton sourire flottés sur un revers de main
Des murs d’esclave se sont dressés autour de ton visage
Taché par le sang des images frappé par la mort sans mourir
Papillon sur échafaud c’est avant mai que tu as vécu
Puis vague septième
Le malheur couché au pied du lit la boîte de Pandore vidée
Le vin tiré et l’amertume bue puisqu’il fallait la boire
Papillon sur escabeau c’est en mai que tu es venue
Femme-outremer
J’aime le temps en ta rivière
Et mes veines attendent de te sentir battre encore
Christophe FORGEOT
Paru dans Phoenix n°11, en octobre 2013
Avec : Paul GAUGUIN - Femme à la mer